Portraits de mémoire

20 février 1996

– Me voici engagé dans un travail de portrait : les portraits de mémoire de 12 proches, sans modèle – ils ne posent pas et je ne dispose pas de leur photo – donc sans autre image que celle que je peux essayer d'inventer. Un peu dans les mêmes conditions que celui qui devrait faire un portrait-robot.

Ça fait déjà un mois que ça dure. C'est très long et, à la fois, impossible et possible. En triturant la peinture j'essaye de faire advenir les images de ces 12 personnes. 12 pour avoir une série, c'est-à-dire pour pouvoir passer, dans le travail, de l'un à l'autre et pour déjouer la saturation psychologique: quand je cesse de penser à l'un, je passe à un autre et ainsi de suite, si bien que je peux "décrocher" de ma concentration sur tel ou telle. Cela permet donc de dépolariser mon regard et mon esprit. Faire un seul portrait sur ce mode-là serait difficile.

Il est étonnant de voir comment on s'illusionne sur la ressemblance de ce qu'on a peint avec la personne que c'est censé représenter. Dans toute activité de peinture, on a, du jour au lendemain, des satisfactions, des assurances, qui périclitent, et inver-